L’intelligence artificielle, une « révolution » industrielle en suspens


Gouvernance. L’intelligence artificielle (IA) fait de nouveau le buzz. Avec l’irruption de ChatGPT ou la grève des artistes d’Hollywood, inquiets à l’idée d’être remplacés, elle aura alimenté toute l’année l’inépuisable débat entre les technophiles et les technophobes, ceux qui attendent de l’IA une révolution sans précédent et ceux qui ironisent sur le énième emballement médiatico-financier à son sujet, ceux qui espèrent qu’elle produira un dépassement de l’humain et ceux qui s’en effraient.

De fait, une telle approche anthropologique brouille le débat, précisément parce qu’elle considère l’IA de manière anthropomorphique, prêtant aux machines des qualités, des comportements et des dispositions humaines, tout en réduisant, symétriquement, l’être humain à la qualité prêtée à la machine.

Bien évidemment, celui-ci paraît alors toujours surpassé par la machine, puisqu’il l’a justement créée pour dépasser ses propres incapacités. C’est ce que Günther Anders (1902-1992) avait appelé la honte prométhéenne, « qui s’empare de l’homme devant l’humiliante qualité des choses qu’il a lui-même fabriquées » (L’Obsolescence de l’homme, 1956). Force est de constater que l’homme occidental se délecte dans cette honte.

Un oligopole mondial d’entreprises

Or, l’IA pose plus essentiellement d’importantes questions économiques et politiques. Economiques parce qu’elle préfigure une nouvelle phase de l’industrialisation du monde, qui concerne désormais le traitement à haute fréquence de milliards d’informations numérisées. Elle permet d’industrialiser des réponses crédibles à de multiples questions, de créer des artefacts narratifs ou visuels, de déceler des probabilités de liens entre des occurrences ou de proposer des décisions statistiquement logiques face à des choix.

L’usage d’un tel outil industriel modifie l’appareil productif dans des proportions qui restent à mesurer, sans céder à l’exaltation du nouveau, mais en examinant le rapport entre le coût énorme de l’investissement et l’utilité finale des services produits. L’IA pose aussi et principalement trois questions politiques.

D’une part, une telle industrialisation du traitement d’informations contribue à renforcer les idées reçues, les représentations communes et à enfermer les usagers dans des systèmes de pensée autoréférés qui accentueront la fragmentation de la société.

D’autre part, les investissements nécessaires à la maîtrise de l’IA étant considérables, on verra inévitablement se constituer un oligopole mondial d’entreprises contrôlant cette industrie très sensible.

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